1. Quel est l’héritage que tu souhaites perpétuer et à qui en particulier ?
Mon héritage est une valeur : celle de la dignité. Je souhaite la rappeler à toutes les femmes de mon époque, mais je souhaite surtout la transmettre à ma fille unique.
2. D’où ou de qui te vient cet héritage ?
Je tiens cet héritage de ma mère. Je suis née dans une famille africaine très modeste. Nous étions cinq enfants et j’ai toujours vu mes parents se plier en quatre pour que nous ne manquions jamais de quoi que ce soit. Il y avait des temps plus difficiles que d’autres et nous n’avions pas toujours accès à ce que les autres jeunes de notre âge avaient. Pour autant, ma mère se faisait un devoir de nous fournir le matériel essentiel, mais surtout de nous inculquer que nous tenions notre valeur de qui nous étions et que nous ne devions jamais permettre à personne de nous rabaisser. Elle nous a éduqués en soulignant constamment notre potentiel et j’ai grandi sans sentiment de manque ou de honte par rapport aux autres jeunes filles de mon âge. Je portais dignement ce que ma mère nous offrait et j’ai appris à rester digne quelques soient les circonstances, non pour les apparences, mais parce que je connais ma valeur.
Un exemple très parlant : la toiture de tôles de notre maison était criblée de trous. C’était toute une gymnastique par temps de pluies. Il fallait disposer des récipients dans toute la maison pour recueillir l’eau qui s’infiltrait de parts et d’autres. Au début, j’appréhendais de recevoir des amis chez moi durant la saison de pluies, mais petit à petit, je les ai intégrés sans honte à ma réalité et contre toute attente, j’ai gagné leur respect. Ils ont compris que je n’avais pas laissé le statut social de ma famille me définir ni m’empêcher de développer mon potentiel, et j’ai été grandement respectée pour ça.
3. Quelle leçon de vie est ce que cet héritage t’enseigne ?
En tant femme noire et immigrante, j’ai évolué dans différents milieux et souvent entourée de personnes qui ressentaient le besoin de m’écraser pour se valoriser, par désir de me contrôler ou juste à cause de leurs préjugés. Ces expériences parfois douloureuses m’ont permis de redécouvrir la force intérieure que l’on possède lorsque l’on sait qui on est, et cette force nous permet de refuser les compromis qui portent atteinte à notre identité et à notre dignité, quelque soit le prix à payer. Mais c’est aussi cette même force qui nous aide à nous relever et à poursuivre notre route. Dans un monde où tout le monde veut vous dicter qui vous devez être, il n’y a pas meilleur carburant que d’être profondément consciente de sa valeur et solide dans ses convictions.
5. Pourquoi penses-tu que cet héritage doit être perpétué?
Nous vivons à une époque où l’identité a perdu son sens, avec des effets dramatiques sur les plus jeunes. Il y a une perte significative de repères. Les discours et critères abondent et se contredisent constamment sur qui nous devons ou pouvons être, et notre identité est mesurée à notre capacité à coller à ces discours et critères. Aujourd’hui, la femme ne sait plus trop qui elle doit être : grande ou petite? Jeune ou âgée? Mince ou enveloppée? Au foyer ou en quête d’une carrière? Carnivore ou végan? Avec ou sans enfant? Mariée ou célibataire? Riche ou modeste? Homme, femme ou non genrée? Hétérosexuelle, homosexuelle ou bisexuelle? Croyante ou athée? La prolifération des idéologies a de quoi donner le tournis et on a de plus en plus de mal à se positionner. Et les discours féministes de ce siècle ne nous aident pas plus. La femme doit donc se rappeler qui elle est depuis les origines de son existence, ainsi que sa place et son apport considérables dans la société depuis la nuit des temps. Et elle doit avoir le courage de se ré-approprier son identité originelle même si c’est à contre-courant, et de marcher dignement dans cette identité. À mon sens, c’est le seul moyen de rester mentalement saine dans une société qui nous rend folles.
6. Un savoir-faire à partager ?
Une bonne amie à moi m’a appris à cuisiner un plat typique de mon pays, réputé pour sa difficulté. Je suis très fière de savoir le faire désormais, mais surtout il me permet de garder un petit lien avec mes racines à chaque fête de fin d’année. Je souhaite transmettre cette recette à ma fille.
Le divin Ndolè de Georgette
Le Ndolè est une sorte d’épinards. Dans mon pays, c’est un plat très prisé autant par le peuple que par les étrangers, et il est réservé aux grandes occasions. Tous les ingrédients se trouvent désormais aisément dans les épiceries exotiques.
Ingrédients
- 3 boules de Ndolè
- Arachides pour Ndolè (frais ou en poudre)
- Racines de gingembre (600 à 800g au moins)
- 3 très gros oignons jaunes
- 800g de crevettes
- 1 kg de viande de boeuf (viande pour bourguignon par exemple)
- Sel
- Huile de tournesol ou d’arachides
- Bicarbonate de sodium (facultatif)
Préparation
Etape 1 : Dans un grande casserole, faites bouillir pendant 20 minutes les boules de Ndolè dans un gros volume d’eau avec du bicarbonate de sodium. Il s’agit ici de nettoyer les légumes des dernières impuretés et de raviver sa couleur. Attention, ça déborde! Pensez à baisser le feu et à laisser une cuillère en bois au dessus de la casserole non couverte. Passez ensuite les légumes à la passoire, rincez à l’eau froide et essorez à la main. Réserver.
Etape 2: Nettoyez la viande et la couper en gros morceaux. La faire sauter à feu vif dans 4 cuillères à soupe d’huile pendant 10 minutes en remuant régulièrement. Salez à votre goût.
Nettoyez et rincez une dizaine de crevettes. Épluchez le gingembre et le couper en petits quartiers. Émincez un gros oignon. Mixez les crevettes, le gingembre et l’oignon avec 1 verre d’eau et incorporez le mélange à la viande. Laissez cuire à feu moyen pendant une dizaine de minutes. Ajouter 3 grands verres d’eau et cuire jusqu’à ce que la viande soit bien tendre. Retirez la viande, puis incorporez l’arachide à Ndolè au jus de la viande. Cuire à feu doux pendant 20 minutes en remuant très souvent car l’arachide attache à la casserole! Ajoutez un peu d’eau si nécessaire. Réservez.
Etape 3 : Émincez un gros oignon. Faites revenir à l’huile, l’oignon et les feuilles de Ndolè dans un grand fait-tout en remuant sans cesse pendant 5 minutes. Incorporez la préparation à l’arachide, puis la viande. Laissez cuire une dizaine de minutes à feu moyen, toujours en remuant. Réservez.
Etape 4 : Dans une grande poêle, faites chauffer une grande quantité d’huile. Faites revenir le dernier oignon émincé et le reste des crevettes nettoyées jusqu’à ce que tout soit bien doré. Versez ensuite le contenu de la poêle sur les légumes. Mélangez délicatement. C’est prêt!
Accompagnez de plantain mûr, de bâton de manioc ou de miondos.
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