La nourriture, cet Évangile

Quand on regarde à la vie de Jésus, l’une des choses les plus frappantes est le nombre de fois où il a exercé son ministère autour d’une table. Et à bien y regarder dans nos propres vies, je crois que nous gardons toutes au moins une situation dans laquelle la nourriture a été la “Bonne Nouvelle”, pas pour son originalité ni même pour la beauté du décor dans lequel elle était servie, mais simplement pour le bien, le réconfort et la guérison qu’elle a transportés avec elle en nous, dans une circonstance particulière de notre vie et à travers des canaux humains de l’amour divin. Oui, la nourriture est une forme d’Évangile, et un repas servi avec amour et attention peut être un puissant véhicule de la tendresse divine pour ceux qui le reçoivent.

Je partageais récemment avec des amis sur la question, et à l’issue de la discussion, je me suis prise à repenser à ces moments de ma vie où la nourriture a été la “Bonne Nouvelle” dont mon âme avait besoin.

En voici 5 qui m’ont particulièrement marquée.

1. Un encourageant cadeau de bienvenue

Il était temps pour nous de quitter la grande ville pour trouver le cadre dans lequel nous voulions nous épanouir avec notre famille qui s’agrandissait. Ce petit coin de l’Est de la France était tout ce dont je rêvais, à une grande exception près : la population semblait ne jamais y avoir vu de Noirs ! Partout où j’allais, les gens se retournaient sur mon passage et me dévisageaient telle une extra-terrestre. Les sorties au café, à la boulangerie du coin étaient devenues des épreuves pour moi. Nous étions là depuis une semaine seulement que déjà je regrettais amèrement notre choix de nous établir dans cette ville. Nous habitions un cadre de rêve dans un magnifique et vaste appartement, mais qu’était-ce tout cela si quand je dînais au restaurant avec mon mari, les gens s’arrêtaient de manger pour me dévisager, peut-être pour voir si la sauvage que j’étais savait tenir ses couverts? J’étais devenue paranoïaque et j’ai très vite pris la décision de rester enfermée chez moi.

Un matin, j’ouvre la porte d’entrée pour sortir prendre mon courrier et que vois-je? Une magnifique tarte aux myrtilles cuisinée maison et déposée devant notre porte par notre voisine du dessus dont nous n’avions pas encore fait la connaissance. C’était une vieille dame de 75 ans au caractère bien trempé, mais qui s’est très vite donnée pour mission de devenir notre “mamy”. Ce geste, cette tarte, m’ont réconfortée à un point que je ne saurais décrire. Je n’aime pas particulièrement les myrtilles, mais après des débuts difficiles avec la population de cette ville, cette attention m’a redonné espoir. Les tartes devant la porte d’entrée se sont multipliées, de même que les belles amitiés dans la région.

2. Le réconfort après la perte

Six années étaient passées et ma santé ne s’était toujours pas améliorée comme je l’espérais. Las d’attendre, nous avions décidé de sauter le pas et d’agrandir notre petite famille avec un deuxième enfant. Treize semaines plus tard, nous devions déjà dire adieu à ce petit être qui se développait en moi et dont nous avions déjà commencé à préparer l’arrivée, tellement nous étions heureux…
Cette douloureuse perte m’a dévastée, mais le Seigneur dans sa bonté m’a permis de retomber enceinte trois mois plus tard. La difficile épreuve des nausées et vomissements sans fin a vite fait suite à la joie de cette nouvelle grossesse. Je passais mes journées alitée et seule, le mari au travail et bébé 1 à l’école. Un couple voisin, ne m’ayant pas vue depuis plusieurs semaines nous invita à dîner. J’acceptais à reculons, craignant de vomir dès la porte d’entrée à cause des odeurs de nourriture. Deux surprises m’attendaient: non seulement aucune odeur ne m’incommoda, mais de plus, moi qui m’attendait à un simple apéro entre voisins, je découvris avec ravissement un service quatre étoiles ! La table, la vaisselle, les bougies et le repas servis avec soin… Un dîner plus que parfait ! Notre hôtesse avait mis les petits plats dans les grands, mais pas pour nous impressionner. Je sentis en elle un profond et sincère désir de nous faire passer un bon moment et de nous manifester leur affection. Je ne me souviens plus de ce qu’on a mangé, mais je sais avoir passé l’une des plus belles soirées de ma vie à un moment où mon âme et mon être tout entiers en avaient désespérément besoin.

3. Le soutien dans un grand combat

Nous étions depuis un an dans notre nouveau pays, heureux de commencer enfin cette nouvelle vie à laquelle nous aspirions depuis de nombreuses années, quand soudainement tout a été remis en question. Suite à des complications administratives, nous avons dû faire face à six longs mois d’incertitudes quant à notre situation, de chômage et d’audiences au tribunal.
Parallèlement, nous faisions nos premiers pas dans notre nouvelle église où personne ne nous connaissait. Et pourtant. Dès qu’ils furent au fait de notre situation et du combat qui s’annonçait devant nous, ce couple a pris l’initiative d’inviter spontanément chez lui notre famille de six, après la réunion du dimanche.

Autour d’un repas simple fait de salade, légumes et trempette, nous avons été écoutés, encouragés et aimés comme nous ne l’avions plus été depuis longtemps. Ce partage a contribué à me donner la force d’affronter ce qui nous attendait. Nous n’étions plus seuls. Un autre couple s’était joint à nous et après le repas, nous avons partagé une après-midi de prière intensive, après-midi au cours de laquelle nous avons vu le coeur de nos hôtes, déterminés à aimer et à intercéder comme Christ. Et six mois après, notre victoire: une situation administrative rétablie et une famille en Christ que nous aimons profondément.

4. Pour des adieux bouleversants

Je ne l’ai connue que quelques mois. Nous sommes nées le même jour et par un merveilleux “hasard”, nous avons fait connaissance. De nombreuses similitudes de vie et de parcours ont vite fait de nous rapprocher. Il n’aura fallu que 2 rencontres pour qu’une profonde amitié nous unisse, ce type d’amitié qui sonne comme une évidence, une rencontre orchestrée par Dieu, et cela nous en sommes toutes les deux convaincues.

Puis vint le temps de la séparation. Elle devait déjà retourner chez elle après un temps de formation douloureux mais riche en leçons diverses, comme le Seigneur en a le secret. Je savais ce moment inévitable et j’avais essayé de m’y préparer autant que possible. Nos échanges allaient me manquer, son rire franc, sa douceur, son écoute et la force de son témoignage… Une amitié qui m’a marquée pour la vie.

Elle décida de venir me faire ses adieux à la maison. Et elle ne vint pas les mains vides : une bouteille d’un succulent vin rouge, mes chocolats préférés et une carte remplie de paroles de vie. Elle avait appris à si bien me connaître en seulement trois mois ! Ce cadeau était à son image et tout ce que j’aime. Ma tendre amie avait la douceur du chocolat, la force d’un vin de caractère et la vulnérabilité des mots d’une carte rédigée avec grand soin pour semer dans la vie de quelqu’un. Tous les attributs du coeur de Dieu, d’une soeur qu’on n’oublie pas. À chaque bouchée et à chaque gorgée, je me repassais avec gratitude cette inoubliable rencontre que Dieu a permis dans ma vie.

5. Après une saison très rythmée

Je voyais avec tristesse les vacances d’été se dérouler et malgré tous mes efforts, je ne pouvais toujours pas intégrer le mot “vacances” à mon vocabulaire. Je m’étais engagée à servir le Seigneur en tout temps, et Il semblait m’avoir prise au mot. Je multipliais les rencontres au gré des personnes qu’Il m’envoyait et j’en ressortais toujours plus riche spirituellement et humainement parlant, mais tout de même épuisée physiquement.

J’accueillis son invitation avec beaucoup d’hésitations. Elle voulait apprendre à me connaître et juste prendre du temps avec moi. Étant en mode “service”, je l’avais abordée comme une journée de “gâchis” que j’aurais peut-être pu consacrer à quelqu’un d’autre, quelqu’un qui était vraiment dans le besoin. Je n’avais tout simplement pas réalisé à quel point j’étais aussi devenue cette personne…

Je me rendis donc chez elle. Du haut de ses 75 ans qu’elle ne fait absolument pas, elle m’accueillit avec la joie débordante qui ne la quitte jamais. Son petit appartement joliment décoré était à lui seul une invitation à la détente. Je pris place dans son fauteuil berçant et il ne fallut pas longtemps pour que je me laisse aller au réconfort qui m’était offert avec tant d’empressement. Les oiseaux qui chantent, le silence juste troublé par nos conversations et rires joyeux, le chat qui ronronne et qui semble ne pas vouloir me quitter…

Puis, le repas. Un riz aux légumes, des crevettes à la sauce piquante et une crème glacée à la vanille recouverte d’une succulente confiture de fraises maison. Et autour de sa table, juste elle et moi, et les nombreux échanges et témoignages d’une vie bien remplie dans le Seigneur. J’étais arrivée à 13h et je la quittais vers 23h, infiniment bénie qu’une femme ait tenu à me consacrer sa journée et pour tout le coeur qu’elle a mis à manifester l’amour de Dieu à la leader de ministère épuisée que j’étais.  N’ayant ni mère, ni soeur, ni tante, ni grand-mère près de moi, ce fût l’un des plus beaux cadeaux de mon année!

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Dans la course aux “grands ministères” que mènent de nombreux chrétiens de ce siècle, il est très facile de mépriser le “ministère des petites choses” qui produit pourtant de grands impacts. Jésus ne manquait aucune occasion de faire du ministère et le fait qu’Il choisissait souvent de le faire autour d’un repas, une situation ordinaire de notre vie de tous les jours, nous enseigne sur la simplicité de l’Évangile. En effet, n’est-ce pas un miracle en soi qu’une âme épuisée, assoiffée et découragée puisse être restaurée en quelques bouchées ?

Ne méprisons jamais la portée d’un repas simple offert avec amour dans la vie de quelqu’un. Soyons cette invitation, offrons humblement à Christ nos cinq pains et nos deux poissons et regardons-le nous transformer en un puissant instrument de bénédictions pour les autres, et pour nous-mêmes !

Et vous? Dans quelles circonstances avez-vous vécu la nourriture comme la Bonne Nouvelle? 

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