Le coeur de l’hospitalité : parler et écouter

Je faisais mes tous premiers pas vers une renaissance relationnelle après des années où toute ma vie n’avait tourné qu’autour de ma famille. J’avais tellement hâte de vivre cette rencontre, de prendre ce café et de parler enfin avec une femme de ma génération, à coeur ouvert, une femme qui semblait sincèrement vouloir découvrir qui j’étais. Mais j’espérais aussi trouver une amie, la première depuis de nombreuses années. Je ne voulais pas laisser passer ma chance, alors c’est le coeur plein d’entrain que je me suis présentée pour vivre un moment exceptionnel.

Mais après deux heures dans ce café, le soulagement sur son visage au moment de partir et la phrase très tranchante répétée à deux reprises par mon interlocutrice m’ont fait réaliser le fiasco d’une soirée que j’avais pour ma part jusque là bien vécue. J’étais sous le choc, incapable de prononcer un seul mot sur tout le trajet commun du retour. Je ne comprenais pas… Nul besoin de préciser que mes relations avec elle n’ont jamais décollé suite à ce premier échange, malgré quelques essais toujours restés infructueux. Mais je me suis repassée en boucle cette première soirée pour en tirer les leçons nécessaires. Qu’est ce qui n’avait pas marché?

Pour être honnête, le fait est que sur les deux heures que nous avons passées ensemble, j’ai probablement parlé durant 1 heure et 30 minutes à moi toute seule ! Pour ma défense, elle posait beaucoup de questions. J’y ai vu une sincère envie de me connaître, mais je n’avais pas réalisé qu’elle n’avait peut-être pas besoin d’avoir autant de détails pour chaque question ! Je suis une femme de contexte, une femme de détails. Et hélas, le dicton selon lequel “le diable est dans les détails” semble bien s’être vérifié à mon sujet ce soir là, du moins à ses yeux. Du coup, je lui ai effectivement laissé peu d’espace durant cette soirée, partant du principe que ce n’était que la première rencontre du longue série. Je me trompais. En parlant autant ce soir là, j’ai manqué d’hospitalité envers elle. Je ne lui ai pas offert de place dans mon coeur ni dans mon écoute pour accueillir son histoire. J’ai été égoïste en ne voyant que l’occasion que MOI j’avais enfin de pouvoir me faire connaître. Et de son côté, le tranchant et la rudesse de son commentaire final ont eu l’effet d’un poignard sur mon âme. J’aurais tout autant compris la leçon avec un peu plus de douceur…

Cet embarrassant épisode m’a énormément appris sur l’importance de l’hospitalité qui vient de l’écoute. Et pour la jeune leader de ministère que j’étais, c’était une leçon importante à apprendre. Savoir écouter, c’est tout un art, mais un art qui mérite d’être acquis pour le bien de nos relations : celle avec Dieu tout d’abord, et celle avec les autres. Quand on écoute, l’autre se sent accueillie. On donne de la place à son histoire, on lui offre une avenue qui la valorise. La qualité de notre écoute est une invitation pour la personne. On lui permet d’être elle-même. Et dans le monde toujours surbooké dans lequel nous évoluons aujourd’hui, prendre le temps d’écouter quelqu’un est l’un des plus précieux cadeaux que vous puissiez offrir.  La qualité d’une relation se définira dans un subtil équilibre entre parler et écouter.

Jacques 1:19 nous exhorte à être prompt à écouter et lent à parler. Pour savoir écouter, il faut vouloir sincèrement s’intéresser à l’autre. Cela demande d’avoir l’humilité de cesser de penser à soi et de cesser de parler de nous suffisamment longtemps afin de le/la laisser s’exprimer à son tour.

J’ai tiré la leçon et humblement mis devant le Seigneur mon besoin de mieux écouter. J’ai depuis été immensément bénie par les témoignages que je prenais le temps d’écouter et j’ai développé des relations authentiques avec de nombreuses femmes. Dans mon ministère, nous organisons des “Tables” qui permettent régulièrement à six nouvelles femmes de se découvrir pour la première fois, dans un contexte intime où l’histoire de chacune est partagée, entendue et accueillie. Et de là se tissent des liens qui contribuent à la communion dans l’église. C’est une des activités du ministère qui bénit le plus les femmes et qui s’avère nécessaire dans une église en croissance où elles peuvent facilement se retrouver isolées. Au début de la rencontre, chacune peut arriver avec des appréhensions ou même des aprioris. Mais au fur et à mesure que l’équilibre entre parler et écouter s’établit, les épaules se relâchent et les langues se délient. Deux heures plus tard, elles en ressortent enrichies et bénies, heureuses de ne pas avoir manqué l’opportunité de découvrir d’autres femmes fascinantes, aux témoignages de vie inspirants qu’elles auront tour à tour pris de temps d’exprimer et d’écouter.

Aujourd’hui, j’écoute définitivement deux fois plus que je ne parle et j’en suis la première bénie. J’ai vu que la personne écoutée se sentira toujours mieux accueillie que la personne à qui on offre le meilleur des festins, mais dans une abondance de paroles. Je veille à cultiver la discipline de m’intéresser sincèrement aux autres, pas par une curiosité malsaine, mais parce que leur histoire compte vraiment pour moi. Et ce type d’hospitalité cultive la générosité de coeur, celle qui est d’une grande valeur pour le Seigneur.

Ecclésiaste 1:8 Tout est en mouvement, plus qu’on ne peut le dire. L’oeil ne sera jamais rassasié de voir et l’oreille ne sera jamais remplie au point de ne plus pouvoir écouter.

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