Nous habitons depuis peu une toute petite ville où nous avons la bénédiction d’avoir un immense centre culturel qui propose de plaisantes activités durant l’année. Ma liberté retrouvée me permettait désormais de prendre le temps de (re) vivre une vie en dehors de l’Église et de recommencer à nourrir des plaisirs simples. Nous nous sommes donc rendus à l’ouverture de la saison culturelle qui proposait le vernissage d’une artiste africaine suivi d’un concert d’un groupe de la région. C’était une sublime soirée.
Je déambulais devant les tableaux, mon verre de vin rouge à la main, lorsqu’une pensée me saisit : il y a à peine trois ans, de telles activités étaient interdites. Le monde s’était comme arrêté et nos vies étaient cantonnées à nos intérieurs, ou au mieux derrière masques et vitrines de protection. Cet isolement forcé et la brutale réalisation que nos vies et libertés prises pour acquises pouvaient subitement prendre de nouveaux détours, ont conduit plusieurs à revoir leurs priorités, leurs essentiels. Bombardés par le terme “essentiel” dont tous les médias faisaient leur refrain et face à la brutale découverte du vide que nous avaient laissé les poursuites matérialistes auxquelles nous avions sacrifié nos vies, nombre de résolutions ont été prises. Beaucoup ont pris la décision du retour à une vie moins agitée, plus centrée sur les essentiels. Malgré les contraintes imposées, la vie était soudainement devenue plus simple à bien des égards. Fallait-il vraiment courir tout le temps? Fallait-il vraiment se forcer à supporter la vie bruyante et oppressante des grandes villes ? Nos poursuites valaient-elles vraiment qu’on sacrifie constamment nos visites à grand-maman? Pourquoi aura-t-il fallu une pandémie pour découvrir les changements qui s’étaient opérés en nos maris, en nos enfants, ou les besoins les plus importants de nos âmes?
Ainsi, les vies qui ont été transformées pour le meilleur sont celles qui ont permis à la pandémie de leur enseigner ou de leur rappeler les essentiels de la vie. Mais pour la majorité, une fois les contraintes et limites passées, tout est revenu “à la normale”, comme si on s’était simplement réveillés d’un mauvais rêve.
Pour ma part, ce fût un heureux rappel et un appel à revaloriser davantage ce qui était réellement indispensable pour ma famille et pour moi. C’est aussi dans cette saison que Dieu a “resserré mon couloir” en clarifiant son appel pour ma vie, mais aussi en me révélant les aspects où je ne devais plus faire de compromis. Ces trois ans ont été une dure lutte pour retrouver une espèce d’équilibre et pour embrasser ces nouvelles dimensions de mon être que Dieu déployait devant moi. Voici donc à quoi ressemblait cette liste d’essentiels pour moi durant ces trois années :
- Le temps passé en famille et en couple
- L’éducation plus personnalisée de mes enfants
- Faire et manger de la bonne nourriture
- Soutenir nos restaurants locaux préférés
- Garder le contact avec les personnes esseulées
- Continuer d’enseigner les femmes, même si j’abhorrais la froideur des rencontres en virtuel
- M’affermir quotidiennement en Dieu dans ma personne, dans mon appel, dans mes convictions et dans mon équipement
Avec la reprise et à mesure que le temps passait, je me retrouvais de plus en plus en conflit avec la femme que je devenais, les exigences incohérentes qu’on faisait peser sur moi et les essentiels retrouvés de ma vie. Jusqu’à ce que Dieu me libère de ce conflit intérieur pour m’accorder désormais la grâce de ne plus avoir à lutter, de ne plus avoir à choisir et de pouvoir être entière en Lui, libre de vivre une vie davantage en accord avec ce que je suis et ce à quoi mon âme aspire : vérité, simplicité, authenticité et service dans son repos.
La spiritualité nous permet de dépasser les choses superficielles de la vie, de poser des questions plus profondes sur le but et le sens de la vie. — John P. Weiss
Ainsi, depuis plusieurs mois, j’ai l’impression d’être désormais sortie d’un long tunnel qui aura finalement eu le mérite de me former et de me forcer à embrasser la femme que je suis réellement, ainsi que le cheminement particulier que Dieu me réserve. J’ai recommencé à voir et je ne veux plus être aveugle aux multiples grâces qu’on prend trop facilement pour acquises, même après que la pandémie nous ait rappelé que tout était finalement bien fragile. Déambuler librement sans masque dans une galerie d’art, partager librement un plateau de fromages et de vins délicats avec des dizaines d’amateurs d’art, déguster la soupe du pays à la même table que l’artiste, danser sur ma chaise en tapotant du pied sur les airs de la musique country-rock de La Patente… Partager une soirée découvertes et bien d’autres avec ce mari et ces enfants que je n’avais plus réellement vus depuis des années, pas sans qu’une interminable liste de choses à faire de défile en arrière-plan dans ma tête quand j’étais avec eux en tout cas. Revaloriser les vrais essentiels et les vraies priorités, finalement, voici à quoi m’aura ramenée la pandémie, mais aussi la fin abrupte de mon ministère en église dont Dieu s’est aussi servi pour faire un grand ménage autour de moi et pour me faire quitter une table où l’hôte me servait du poison.
Il faudra donc parfois un drame, un accident, un deuil, une perte quelconque, une maladie ou une pandémie pour nous ouvrir les yeux sur ce qui est vraiment essentiel dans une vie. Mais faut-il vraiment attendre que l’une ou l’autre de ces choses se produise? Je sais par expérience que Dieu nous fait souvent des “appels du pied” pour nous inviter à reconsidérer nos poursuites et pour nous ramener à ce à quoi Lui donne réellement de l’importance. Mais bien souvent, nous ignorons ces signes tant nous avons relié nos “essentiels” à nos accomplissements extérieurs et aux fruits et louanges qu’ils nous font gagner de la part des autres. Nous avons encore tant à apprendre et à imiter des essentiels que la vie de Jésus nous a enseignés ! Nous devons intentionnellement nous libérer des définitions de l’essentiel dont nous abreuve l’Église évangélique contemporaine !
Mais il n’est pas trop tard. N’attendons pas qu’un gouvernement nous les rappelle lors d’une prochaine pandémie. N’attendons pas que la perte d’un être cher nous le rappelle. N’attendons pas qu’un désert spirituel nous le rappelle non plus. Parfois, Dieu nous fait la grâce de permettre des circonstances qui vont nous faciliter le retour à ces essentiels dans nos vies, mais nous pouvons d’ores et déjà recommencer à les poursuivre en faisant un examen honnête de ce que nous poursuivons et de la valeur ajoutée que ces quêtes ont dans nos existences et dans celles de nos proches. La paix intérieure qu’on y gagne n’a pas de prix.
Car tout ce qui restera au final, tout ce qui sera vraiment révélateur de ce que vous avez été, c’est la valeur que vous aurez accordée à la seule chose qui était vraiment essentielle : l’amour, simplement.
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