Nous avons quitté la France à une époque où l’un des rêves les plus importants d’une vie était celui de devenir propriétaire d’une maison. Mais pas seulement un bien immobilier! Une maison qui serait porteuse d’une histoire, un héritage pour plusieurs générations. Mes parents vivent dans la leur depuis 35 ans. Mes beaux-parents depuis 38 ans. L’objectif a toujours été de transmettre ce bien à leurs enfants, avec toute l’histoire qu’elle contient, dont elle a été témoin.
Nous avons vécu dix ans au Québec dont neuf dans la même maison, dans le même quartier. Nous n’avions pas les moyens d’être propriétaires à ce moment-là, mais nous avons été les témoins d’une approche bien américaine de la propriété immobilière. Ici et dans nos nouvelles générations, la maison n’est plus ce symbole familial, elle n’est plus “une poire pour la soif”. On ne chérit plus le plaisir de mesurer les petits-enfants à la toise qui mesurait jadis la taille des parents dans la cuisine. On ne fait plus cas des empreintes de grand-père laissées dans le béton du sol de la véranda, ou de la bénédiction gravée au tournevis dans le poteau du salon, ou de la malle de souvenirs de guerre qui prend la poussière dans le grenier. La maison n’est plus qu’un vulgaire bien de consommation, au même titre qu’un bagel acheté à l’épicerie. Et tandis que mon coeur s’attristait de voir les jeunes années de mes enfants défiler dans un lieu qu’il nous faudrait tôt ou tard quitter, je voyais mon quartier se transformer, des jeunes arriver, acheter puis revendre toutes les deux années, la forêt qui enchantait notre environnement se faire raser pour y faire pousser des petites boîtes dont les propriétaires changeaient avec une affolante rapidité. Je ne juge pas. Les mentalités sont bien autres et les valeurs ont bien changé. À peine au début de ma quarantaine, j’ai juste l’impression d’être déjà un dinosaure mélancolique, une race en voie de d’extinction qui continue malgré tout de croire que les quatre murs qui abritent nos quotidiens sont bien plus que des murs, qu’ils sont des sanctuaires et des lieux de ministère à chérir, parce qu’ils renferment la capacité de fournir d’importants repères à nos descendants dans un monde de plus en plus en proie à la confusion.
Nos maisons nous offrent l’occasion unique de faire écho à la guérison, à la restauration, à la joie et à la rédemption que notre créateur donne avec tant d’amour et de liberté. — Kennesha Buycks
La prière pour ma maison familiale est l’une de celles que j’ai le plus souvent faite à Dieu. Et 23 ans plus tard, il y a répondu ! Nous y habitons depuis trois mois au moment où j’écris ces lignes, et il m’arrive encore de devoir me pincer pour réaliser l’ampleur de ma bénédiction, particulièrement dans un temps où l’économie ne nous aurait pas permis d’acquérir un tel bien sans la grâce de Dieu : une maison qui a traversé les épreuves du temps, une maison avec une âme, avec une histoire.
Mais…
Mais j’ai néanmoins aménagé dans cette maison avec un pincement au coeur. Il vient du sentiment d’avoir “loupé le coche”. Mes enfants ont bien grandi maintenant, et j’ai l’impression d’avoir manqué ces souvenirs que je rêvais de créer et de leur laisser dans la maison familiale qui leur aurait été transmise après mon départ. Ils passent désormais les 3/4 de leur temps en dehors de la maison. Le plus grand, désormais adulte et indépendant, n’y aura jamais vécu. Les grandes tablées dominicales dans le jardin n’auront pas eu lieu. Ils sont désormais trop grands pour un trampoline, trop grands pour commencer une toise sur le mur de la cuisine, trop grands pour que cette maison renferme leurs petites histoires et souvenirs d’enfance. Trop grands, trop vite…
J’ai déversé cette tristesse devant Dieu. Il m’a fallu faire le deuil de la maison familiale de mes vingt ans pour commencer à prier un nouveau rêve, à oeuvrer pour une nouvelle vision : celle d’une maison qui raconterait quand même une histoire. Peut-être pas celle de l’enfance de mes petits, mais l’histoire de multiples restaurations dont elle aura été le témoin. D’abord la mienne, celle de ma famille, puis celle de tous ceux que Dieu enverra entre ses murs. J’ai décidé d’en faire avec Dieu un lieu d’accueil et de sérénité, un endroit qui serait certes matériellement accueillant, mais qui respirerait avant tout la présence accueillante et régénératrice du Saint-Esprit.
Alors j’ai prié. J’ai prié pour que Dieu nous devance dans ce lieu que nous avons acheté par la foi, sans la voir ni la visiter ni même la faire inspecter professionnellement. Et quelle ne fut pas ma joie d’entendre depuis trois mois de la bouche de chacun de mes visiteurs, croyants et non-croyants, les mêmes mots que j’ai priés avant notre arrivée : “sensation d’une forte présence de Dieu”, “sérénité”, “impression d’être accueillis”, “paix”, “beauté”, “confiance évidente”… Et que dire de ma famille ?! Mes enfants s’y sentent “comme s’ils y avaient toujours vécu” et ne retourneraient pour rien au monde au Québec! Idem pour mon mari et pour moi. Alors les souvenirs d’enfance n’y sont pas, mais Dieu dans sa bonté a transcendé notre histoire en la liant désormais à celle de ce foyer. C’est une grâce dans laquelle je me réveille maintenant chaque matin, avec la conviction affermie que rien ne nous oblige à suivre le mouvement ambiant. Nous pouvons refuser de faire de nos maisons de simples biens de consommation. Nous pouvons continuer de croire que nos murs pourront raconter des histoires aux générations futures, des histoires de rédemption, de restauration, d’amour et de partage, des histoires qui prendront racine dans le coeur de nos enfants, des histoires qui auront été moulées entre les quatre murs d’un foyer chéri, entretenu, valorisé et offert en héritage avec tout ce qu’il renferme. Comme au bon vieux temps… Comme au temps “Carte postale” de Francis Cabrel, dans cette vieille France que j’ai connue et aimée.
Nous voulons que nos maisons accueillent ceux qui pénètrent dans un espace qui ne fait pas seulement appel à nos sens visuels mais aussi à l’âme. Un espace qui témoigne de là où nous en sommes, quelque soit la saison de vie que nous traversons. C’est un foyer que seul Dieu peut offrir, et c’est un foyer que vous ne pouvez offrir qu’au moyen d’une relation restauratrice avec Lui. — Kennesha Buycks
Mais j’ai aussi compris que nos maisons précédentes avaient compté pour le temps où elles avaient abrité notre famille, même si nous n’étions pas propriétaires. Elles font partie de notre histoire, parce que ce n’étaient pas seulement quatre murs, mais un foyer que j’avais fait l’effort à chaque fois de m’approprier.
Ainsi, sachez que ce moment, en ce lieu, fait partie de votre histoire, où que vous soyez. Il peut être cette partie de l’histoire où vous boudez et vous plaignez au point de rendre tout le monde misérable autour de vous à cause de votre coeur insatisfait, ou alors il sera cette partie de l’histoire où vous vous appuyez sur Dieu en lui permettant de rediriger votre vision pour créer un foyer avec une histoire qui profitera à tous et qui glorifiera son nom. Il n’est pas trop tard pour écrire l’histoire de votre maison. À 43 ans, j’en commence une nouvelle. Et elle s’annonce très belle !
Je louerai l’Eternel tant que je vivrai, je célébrerai mon Dieu tant que j’existerai. – Psaume 146:2
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