Achète les fleurs !

Vous voyez cette photo juste au dessus ? Elle marque une étape majeure dans ma vie. Pour vous, ce n’est certainement qu’une jambe qui se réchauffe auprès d’un feu de cheminée, mais pour moi, c’est la posture d’une femme qui aura mis vingt ans à oser vivre enfin.

L’été dernier, mon mari m’a surprise avec un week-end à deux pour célébrer notre anniversaire de mariage. Nous n’avions jamais osé le faire. La première raison ? Les enfants : jeunes, personne pour les garder en notre absence, etc, etc. La seconde raison ? L’argent : jamais assez, selon moi, pour se permettre ce genre de fantaisie. La troisième raison, celle qu’on avoue le moins ? Ce n’est pas utile, du moins, pas pour cette saison de ma vie. Il y a toujours plus urgent et il y a toujours plus important. Enfin, la raison “spirituelle” : la “bonne” chrétienne ne dépense pas dans ce genre de choses qui ne contribuent pas concrètement à l’avancement du Royaume de Dieu.

Je me suis donnée toutes ces “bonnes” raisons pendant longtemps pour ne pas oser faire des choses dont j’avais pourtant désespérément besoin. Et on ne sait pas à quel point on en a besoin jusqu’à ce qu’on les vive ! Nous les femmes, avons cette fâcheuse tendance à vivre en martyr, parce que nous croyons que c’est ainsi qu’on manifeste le mieux l’amour de Christ. Et c’est pour cette raison que des sujets comme le bien-être ou le soin de soi demeurent tabous dans la communauté chrétienne. On culpabilise ceux et celles qui les poursuivent en les traitant de chrétiens charnels. Et j’ai longtemps été de celles qui nient les besoins de leur âme, croyant que c’était une bonne marque d’amour sacrificiel envers les autres.

Et c’est pourquoi mon mari s’est retrouvé à devoir préparer en cachette cette première escapade en couple. Je mentirais si je disais que j’ai sauté de joie quand il m’a fait la surprise. Malgré le fait que j’aie apprécié son initiative, mille et uns questionnements me sont passés par la tête : Qui va garder les enfants? Comment feront-ils sans nous? Combien va coûter ce séjour? N’y avait-il pas ou n’y aura-t-il pas occasion plus importante pour dépenser nos économies? À quelle distance se trouve le lieu en cas d’urgence? Et si la maison prenait feu? Et si des cambrioleurs remarquaient notre absence et en profitaient? Et les tueurs d’enfants alors? À mesure que la date approchait, mon angoisse montait, mais la sérénité de mon mari a fini par me rassurer. Après trois mille dispositions et recommandations, nous sommes donc finalement partis à l’aventure, et c’est absolument ce qu’il me fallait pour opérer un changement drastique dans ma façon de penser et de vivre. Dieu le savait !

Mon Père a profondément touché mon coeur ce week-end là. À vrai dire, j’ai passé la majeure partie du temps à pleurer. Ce temps à l’écart, ces premières “vacances” en vingt ans, loin de tout et même loin des enfants, m’a vraiment déstabilisée, dans le bon sens. Dieu m’a montré à quel point j’étais prisonnière. Prisonnière d’un cycle de vie qui ne consistait qu’à réaliser tâches après tâches, du matin au soir, jusqu’à l’effondrement et pour reprendre dès le réveil. Je ne le faisais pas dans l’optique d’obtenir une médaille, une reconnaissance particulière ni même pour atteindre des objectifs précis. C’était juste ma vie, le train dans lequel je m’étais installée depuis vingt ans sans jamais me permettre de faire une halte, de descendre à une station. Un train qui allait et venait avec moi, assise dans un wagon, affairée au point de ne même plus prendre le temps ni de regarder le paysage ni même d’envisager d’en profiter. Oui, les enfants ont besoin de moi, mais j’ai réalisé que je ne leur offrais que des restes et pas la meilleure version de moi-même. J’ai réalisé que mes critères d’importance n’étaient pas toujours les bons. J’ai réalisé que je passais à côté d’une partie nécessaire à une bonne vie : le repos, l’arrêt. Et j’ai réalisé que depuis longtemps, je tournais à vide et qu’une partie de moi était sur la point de rendre l’âme.

Mais j’ai le Dieu du chemin, de la résurrection et de la vie. Et ce week-end en apparence superflu à mes yeux, s’est révélé comme un point tournant dans mon existence…

La journée même de notre retour à la maison, je me suis précipitée sur l’ordinateur pour réserver les premières vacances de toute notre vie de famille. Je l’ai fait vite, pour ne me laisser aucune chance de trop y réfléchir. J’ai pris le reste de nos économies et j’ai réservé une semaine au chalet, loin de tout, sans Wi-Fi, au coeur de la campagne. Et comme il fallait s’y attendre, j’ai commencé à le regretter à la seconde où j’ai refermé l’ordinateur, ma “raison” m’ayant rattrapée, notamment au sujet des finances. Mais par la grâce de Dieu, j’ai tenu ferme. Et à ce jour, ça reste l’une des plus belles décisions que j’ai prise de toutes ces années ! Une semaine, pas grand chose. Mais une semaine qui a fait la différence dans la vie de mes enfants et a créé en eux un indélébile souvenir. Une semaine de calme, de paix, de journées pluvieuses devant la cheminée, à faire des puzzles et des coloriages; de journées ensoleillées à jouer dehors, dans le Jacuzzi, au badminton ou au foot; de soirées barbecue ou feux de camp à griller des S’mores… Un an plus tard, les enfants en parlent encore, ma fille réclame cette expérience quasiment toutes les fins de semaine et quant à moi, je chéris le mémorable souvenir du moment où j’ai enfin décidé de vivre aujourd’hui, plutôt que de garder pour un demain qui ne m’est pas garanti.

Cette photo, c’est donc celle de jambes qui ont enfin cessé de courir pour se poser et profiter de la chaleur divine. Cette chaleur, Il me la manifeste par sa Provision quotidienne, mais je m’en suis longtemps privée en investissant prioritairement dans un avenir, sans même vraiment savoir lequel.

Aujourd’hui, j’ai appris.

  • J’ai appris que la vie se déroule au présent et que chaque jour qui passe est le futur qu’on s’évertue à construire tout en le manquant.
  • J’ai appris que je ne suis bonne à personne si je ne prends pas soin de moi et si j’ignore et tais constamment mes besoins, notamment celui de déconnecter et de partir en vacances.
  • J’ai appris que de porter un jugement de valeur sur mes besoins ne fait pas de moi une meilleure chrétienne, bien au contraire.
  • J’ai appris que les plus précieux souvenirs que garderont mes enfants de leur maman ne seront pas ceux de ses accomplissements académiques, professionnels ou ministériels. Ils ne se souviendront pas non plus de la maison que je me serais constamment évertuée à lustrer ou de la belle épargne que j’aurais laissé dormir à la banque pour la famille et pour un avenir lointain. Ils se souviendront des moments simples dans lesquels j’aurais généreusement investi pour vivre intentionnellement avec eux, des précieuses années qui ne reviendront jamais.

Cet été là, Dieu m’a enseignée sur l’importance du moment présent et d’investir occasionnellement dans des vacances, mais aussi régulièrement dans les petits plaisirs simples de la vie qui m’animent et m’égayent.

  • Ce beau bouquet de fleurs qui te fais envie mais devant lequel tu passes en te disant tristement que ce serait un achat superflu? Achète-le et laisse-le égayer ton foyer et te faire sourire le temps qu’il durera. N’attends pas que les fleurs viennent fleurir ta tombe ou d’en acheter pour fleurir celle de quelqu’un d’autre !
  • Ce bon gâteau au chocolat que tu te refuses constamment parce que tu surveilles ta ligne? Cuisine-le ou achète-le et savoure-en chaque bouchée !
  • Tu rêves de danser sous cette belle pluie chaude comme quand tu étais petite ? Sors et laisse-toi tremper. La voisine qui te regarde avec jugement par sa fenêtre aimerait secrètement retrouver cette liberté et cette insouciance que tu manifestes !
  • Ce café avec une amie qui te permettrait une belle pause dans ta routine ? Appelle-la et prenez-le !

Bref, vis au-jour-d’hui et poursuis la Gloire de Dieu dans ces plaisirs simples de ta vie présente ! Oui, l’avenir se prépare, il doit se construire avec sagesse et intention. Mais dans la quête d’un meilleur futur, n’oublie jamais le précieux présent d’un présent qui mérite d’être vécu comme si c’était tout ce dont tu disposais.

Et dans les faits, c’est bien tout ce dont tu disposes.

Les fleurs sont une de ces petites choses qui peuvent ensoleiller nos journées, mais qu’on ne juge pas toujours suffisamment utiles pour être intégrées à notre budget. C’est un tort.

Achète donc ces fleurs !

 

 

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2 Commentaires

  1. Avatar

    Wow! Merci pour ce beau partage et de cette transparence! Il est vrai que le Seigneur béni ces temps à part de couple et de famille laissant des souvenirs heureux traversant le temps pour tous ceux qui l’ont vécu ! Tu as un merveilleux don d’écriture ma soeur! Que le Seigneur te bénisse toi et ta famille !

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    • Gina Oum

      Merci beaucoup, Lucie. Oui, Dieu est bon et très patient avec nous lorsqu’Il nous enseigne. J’en apprends chaque jour, mais surtout, je réalise à quel point la vie peut être simple et belle, à l’image même de la simplicité et de la beauté de Jésus.

      Sois bénie, chère soeur !

      Réponse

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